Vraiment, ce n’est pas drôle, pensa le petit Prince, à chaque fois, je me retrouve seul ici dans cet univers monotone !
Il décida de tourner le dos au rivage et de marcher, peut-être y avait-il un autre univers ? Y aurait-il une forêt bleue ? Ce serait bizarre, mais pourquoi pas ? Dans une forêt il y a forcément des fleurs, ça rajouterait de la couleur. Il se berça de cet espoir.
Après avoir marché un moment, il rencontra une première dune, puis une autre. Finalement, à part le fait que le sable était bleu, c’était comme les films qu’il avait vus sur le Sahara, mais sans la chaleur ni le soleil… Il prit cette direction, avec bien du mal, car franchir une dune n’est pas chose aisée. Il glissait, s’enfonçait, mais obstiné, parvenait à ses fins. Il arriva enfin à une immense dune. Impressionné, il se demanda s’il pourrait la franchir. Brusquement, il vit un éclair vert. Peut-être était-ce un animal ? Mais la chose avait disparue comme effacée par le sable. En tout cas c’était vivant. Son intuition ne l’avait pas trompé, il y avait bien un autre monde et de la vie sur cette planète, certainement la vie qu’il connaissait ! Un autre éclair vert réapparut plus loin ! Non loin d’une sorte de mare. Mais son attention était entièrement focalisée sur ce nouvel ami possible. Il fallait l’apprivoiser. Car il était là, entier, immobile, et il le regardait par son œil de côté. La bestiole tranchait sur le bleu du sable par son vert irisé, l’orientation de ses écailles la faisait paraître tantôt bleu marine tantôt turquoise ou même verte… C’était un lézard ! Il le héla. L’écailleux fila dans le sable où il disparut. L’enfant partit à sa recherche, fouillant le sable là où il l’avait vu s’enfoncer. Mais non, rien, aucune trace. Ce sable était impénétrable. Il s’écroulait, se reformait. C’était infernal. Il se sentit fatigué. Il ne vit même pas qu’à cent mètres sur le côté l’eau qu’il avait prise pour une mare était le début d’un lac. « Le mieux c’est que je dorme, on verra après. » Il glissa ses pierres de couleurs, sauf la jaune, dans la poche droite de son pantalon, ainsi il était certain que nul ne les lui prendrait. Il étendit son manteau sur le sable, garda la pierre jaune dans une main, posa sa tête sur sa besace, et glissa dans un rêve merveilleux.
Il était au bord d’une mer aux teintes d’aurore, sa maman arrivait longeant le rivage et lui faisait signe. C’était une femme sublime, douce, aux longs cheveux blonds qui s’échappaient de son diadème. Elle agitait ses longues mains où brillaient deux très jolies bagues avec lesquelles il avait si souvent joué, elles rutilaient et jetaient de vrais rayons de soleil et de lune. Elle marchait à grands pas dans sa direction, sa longue robe semblait voler autour d’elle. C’était merveilleux. Un immense espoir l’envahit, une joie extraordinaire le submergea. Il se mit à courir à perdre haleine. Enfin ! Son cauchemar prenait fin ! Il se jeta dans ses bras, sentit son parfum délicat où se mêlaient le santal, le jasmin, et l’hibiscus, aux embruns iodés de l’océan. Elle le couvrait de doux baisers en murmurant : « Mon tout petit, Prince de mon cœur, mon petit minou…mon petit Swen ! » Il la revoyait enfin, cela faisait si longtemps ! Elle avait disparu si vite que ses souvenirs étaient limités à des impressions, des odeurs, des douceurs. Et, maintenant, elle était là, passant ses douces mains dans ses cheveux d’argent.
Des
murmures bien réels l’éveillèrent.
– Comme
il est beau !
– Comme
il a l’air gentil !
– Tu
as vu ses cheveux ?
– Et
sa peau rose ? Il n’est pas d’ici !
– Il
est pour moi !
– Non,
pour moi !
– Pas
question !
– Voyons,
ne vous disputez pas : il nous donnera son avis. Jouons-lui
quelque chose…
Des
notes de musique cristalline commencèrent à s’envoler. Il leva
les yeux et vit quatre jeunes femmes bleues assises sur des rochers
au bord de la mare. L’enfant se redressa. Il n’avait jamais vu
cela en vrai, seulement sur des tableaux ou en sculptures : ces
femmes étaient presque nues. Sa nounou, même si elle lui avait
donné le sein longtemps, couvrait sa poitrine. Elle ne se baladait
pas ainsi. Et puis, elles étaient bleues…
– Bonjour,
est-ce la mer qui vous a teintes en bleu comme ma gourde ?
Elles
éclatèrent de rire.
Il
glissa prestement sa pierre jaune dans sa poche gauche de pantalon
sans qu’elles s’en aperçoivent, puis se mit debout et enfila son
manteau.
– Moi,
ça a failli m’arriver…
Ça,
c’était encore plus drôle… Il poursuivit :
– Mais
pourquoi votre pantalon a-t-il une forme de queue de poisson ?
C’est pour nager ? C’est une nouvelle mode ? Moi, on me
donne des palmes, je vais sûrement plus vite avec deux jambes
qu’avec une seule…
Elles
pleuraient de rire.
– Comment
êtes-vous venues ? Je ne vous avais jamais vues ? Comment
vous appelez-vous ?
Il
les regarda plus attentivement. Elles avaient l’air gentil. Il
poursuivit son interrogatoire.
– Vous
ne savez pas parler ? Vous jouez seulement de la musique ?
Celle
qui tenait la petite harpe lui adressa alors la parole :
– Qui
es-tu, d’où viens-tu ?
– Mais
vous ne répondez pas à mes questions ?
– Tu
es chez nous, bonhomme ! C’est à toi de répondre, tu es un
intrus.
Le
mot « intrus » le remit dans la réalité. Le Prince se
dit qu’il ne valait mieux pas les contrarier, même si elles
avaient l’air avenant, on ne savait jamais. Dès qu’il le
pourrait, il demanderait des explications aux étoiles. « Je
suis un Prince de la Terre. » C’était
tordant ! Les rires reprirent de plus belle : un Prince !
Ce moucheron, cet avorton ? Si c’était un Prince elles
l’auraient su. Leurs hormones en auraient été toutes
émoustillées. De
la Terre, en plus ? Qu’est-ce que c’était que ce petit
prétentieux ? On leur avait encore envoyé un menteur ?
Décidément ces Terriens… La
plus grande s’adressa à lui.
– Je
suis Vaïana, la Dauphine. Si tu es un Prince de la Terre, tu dois
savoir certaines choses, alors nous allons faire un jeu. Si tu
franchis les étapes, c’est que tu es bien un Prince. Sinon, gare à
toi, nous détestons les menteurs. Nous les transformons en ressorts.
– En
ressort ? Comment cela ?
– Un
ressort est condamné pour l’éternité. C’est l’un de nos jeux
favoris. Cela nous fait beaucoup rire.
– Mais
qui vous a donné ce pouvoir ?
– Ah !
Tu es trop curieux ! Contente-toi de ce que tu verras, tu veux
en voir un ? Alors, allons chez nous. Viens.
Sa
nounou lui avait pourtant dit que la curiosité était un vilain
défaut, mais le mensonge en était un autre, bien plus grave encore,
et il voulait voir ce qui arrivait aux menteurs, lui ne mentait pas !
Elle lui avait dit aussi que l’on ne suivait pas les inconnus…mais
sur cette planète il n’y avait que ça, alors elle exagérait
sûrement ! Et puis qu’est-ce qu’il risquait ?
Qu’est-ce qu’elles croyaient ! Elles allaient voir ce
qu’elles allaient voir !
Il
partit au milieu de ces femmes-poissons qui ondulaient gracieusement
sur le sable. C’était étonnant : celles qui étaient devant
laissaient des traces dans le sable, lui n’en laissait pas, le
sable restait tel qu’il était, comme si personne n’était venu.
Un vrai mystère. Dominaient-elles le sable d’étoiles ?
Ils
arrivèrent dans une grotte qu’il n’avait pas vue. Dans la
grotte, il y avait un lac où s’ébattaient d’autres
femmes-poissons dans un piaillement cristallin. Leur arrivée plongea
la grotte dans le silence. On l’emmena jusqu’à un trône
qu’occupait une autre de ces femelles absolument magnifiques. Elle
avait quelque chose de sa mère et quelque chose de différent, mais
il ne savait pas quoi. Un je-ne-sais-quoi de bizarre. Peut-être
simplement la queue. Ou alors parce qu’elle était bleue ? Il
se contenta de cette idée. Ce devait être la Reine. Il s’inclina
profondément comme il avait vu faire à la cour :
– Majesté,
je suis très honoré. Je viens de ma planète vous présenter mes
hommages. Je suis le Prince Swen, Prince
de la Terre.
Une
salve d’éclats de rires ponctua son cérémonieux salut.
La
Reine riait aussi. Elle fit un geste de la main qui stoppa ce concert
d’un nouveau genre.
– Bien
que tu aies les manières d’une cour royale, tu ne me feras pas
gober cela, bouffon. Car je l’aurais déjà deviné à ton approche
vois-tu ! Or, je n’ai rien ressenti. Donc tu mens. Nous devons
te mettre à l’épreuve. Tu dois répondre à trois questions. Seul
un vrai Prince saura y répondre. Celui-là deviendra mon époux. Si
tu n’es pas celui que j’attends, c’est que tu es un imposteur,
alors tu seras transformé en ressort. Faites venir notre dernier
ressort qu’il voie ce qui l’attend !
Avait-il bien entendu ? Il n’avait que deux choix : devenir l’époux d’une femme à queue bleue ou être transformé en ressort. Dans quel piège venait-il encore de tomber ? Décidément il avait l’art de se fourrer dans des situations inextricables ! Il n’avait pas l’âge de se marier, et puis sa nounou lui avait dit qu’il épouserait une belle Princesse à la peau rosée, blonde comme sa mère, mais surtout, elle n’en avait pas parlé tellement c’était évident, avec deux jambes ! Une queue ! Mais quelle idée ? Être un ressort ? Cela n’avait aucun sens. Comment ruser… ? Était-il encore dans un rêve ? Mais dans le rêve de qui ? Il ne lui semblait pas avoir rencontré quelqu’un d’autre !
Une
sirène arriva, poussant devant elle, avec sa queue, un ressort
roulant au sol. Elle donna un coup qui le redressa, puis un autre qui
l’aplatit afin qu’il tressaute. Le Prince surpris, vit alors que
c’était une étoile découpée en spirale, très finement. La
pauvre ! Qu’est-ce que c’était que cette dissection d’un
nouveau genre ? Il ne voulait pas que cela lui arrive. Comme son
corps n’était pas adapté, elle serait bien obligée de le
transformer ! Comment une étoile avait-elle pu mentir ?
C’était incroyable. À moins que… Mais oui ! Cela devait
être cela, c’était la partie humaine de l’étoile qui avait dû
mentir, mais justement où était-elle ? Était-elle venue ici ?
Y aurait-il d’autres terriens qui passaient par là ?
– Majesté,
puis-je poser une question ?
– C’est
un privilège que je t’accorde ! Nous t’écoutons.
– Qu’est
devenue la partie humaine de cette étoile ?
– Mais
tu en connais des choses ! s’exclama-t-elle fort inquiète. Puis
elle se dit qu’il lui fallait gagner du temps. S’il savait cela,
il connaissait alors les réponses aux questions qu’elle allait
poser. Le piège qu’elle lui avait tendu allait se refermer sur
elle. Méhério, la Reine des sirènes prit une décision qu’elle
savait lourde de conséquences. Pour une fois, exceptionnellement,
elle trahirait un secret des étoiles et révélerait à cet enfant
le secret de ce ressort-là. Au fond cela n’avait pas d’importance
puisqu’elle allait le faire disparaître. Elle devait le tuer, il
en allait de sa vie à elle. Elle ne voulait pas épouser ce minus
aux étranges cheveux. La seule chose, la seule difficulté, c’est
qu’elle devait trouver un alibi pour le supprimer avant qu’il ne
réponde à la troisième question. Pour
l’instant, elle n’en avait pas.
– Vois-tu
petit homme, commença la Reine des Sirènes, ce ressort est l’étoile
d’un homme qui a passé sa vie à mentir, à tromper son monde, à
s’attirer le meilleur et à piller les autres. Il n’a fait que du
mal, en plus il a assassiné sans vergogne pour obtenir le pouvoir.
On ne peut pas le plaindre…
– Mais
ce que je vois c’est une étoile découpée en ressort ? Pas
un homme ?
– Bien
sûr, ici, seule l’étoile est punie, et nous nous en chargeons.
L’être humain devenu esprit va ailleurs…
– Mais
où ? Dans l’univers gris ?
– Tiens,
tu connais l’univers gris ? Non, pas pour lui, ce serait trop
bien !
– Mais
alors où ?
– Attends,
d’abord je dois te poser la première question. C’est celle-ci :
quelle est l’origine de l’Univers et de tous ses habitants ?
La
question était importante. Il ne voulait pas ressembler à ce bout
de machin sauteur. Il se concentra. Se campa solidement sur ses
jambes écartées les mains dans les poches. Il touchait du bout de
ses doigts l’ensemble des pierres de couleurs. « Étoile,
aide-moi », pensait-il avec force.
– Ici,
personne ne peut te venir en aide dit Méhério, et point n’est
besoin d’appeler.
Elle
avait entendu. Il pensait trop fort. Il décontracta ses doigts, si
jamais elle voyait à travers le tissu, il serait fichu. Elle lui
prendrait ses pierres.
– La
CONSCIENCE ! répondit-il dans un souffle.
Un
grand silence se fit. La Reine était devenue bleu pâle.
– C’est
bien tu as gagné la première manche, avoua-t-elle. Visiblement il
ne mentait pas ! Mais qui lui avait appris les réponses ?
Un enfant ne peut être un initié !
L’enfant
obstiné reprit sa question :
– Maintenant
vous pouvez me dire où va l’esprit humain des méchants ?
– Il
tourne en rond sur lui-même dans un univers que les hommes appellent
enfer. C’est juste un univers noir dont jamais ils ne sortiront et
où ils ne peuvent plus jamais nuire : ils n’ont plus aucune
existence, nul ne les en sortira. C’est l’espace le pire qui
soit, ils souffriront de ne plus jamais avoir d’amour.
– Et
vous, vous gardez le ressort qui est la trace de l’étoile ?
C’est cela ? Et ce ressort-là, qui est-ce ?
– Oh !
Il nous fait beaucoup rire. Car il vient d’arriver. Il a cherché à
nous abuser en nous racontant comment un gamin lui avait jeté un
sort avec une pierre magique, il en avait, paraît-il, perdu ses
pouvoirs.
TanTaKa ! se dit l’enfant. Et pour une fois l’étoile n’avait pas menti… Il faut que je me sauve d’ici, si elle me prend pour un menteur, mon compte est bon ! On peut donc dire la vérité et être passé en justice et puni : quelle était cette horreur ?
La
Reine sentait une vague inquiétude monter en elle. Qu’est-ce que
c’était que cette supercherie ? Elle n’allait pas épouser
cet animalicule ! La tradition des sirènes disait qu’un
Prince beau comme le jour viendrait. Qu’elle pourrait le torturer
pour en jouir tant qu’il résisterait à son chant. Puis qu’au
final, il céderait. Elle l’épouserait avec tous les fastes dus à
son rang. Lors de la nuit de noces lorsqu’il lui aurait fait
l’amour, elle le contraindrait à se battre lors du Duel Maudit où
il perdrait forcément, grâce à ses sortilèges. Toute sa cour
applaudirait sa victoire, et elle serait Reine à jamais, ayant
acquis l’immortalité par cette victoire. Elle voyait la scène,
elle en rêvait très souvent. Puis elle le ferait emmener, encore en
vie, et traiter spécialement pour ses tritons sacrés. Dans sa vie
elle n’avait le droit qu’à cette nuit là, sinon sa race serait
maudite et disparaîtrait. Mais il ne s’agissait pas d’un avorton
prétentieux et savant, il lui fallait un Prince, un homme sublime… Comment
faire ? Il fallait absolument décréter menteur ce minus qui
avait l’esprit d’un homme, la tenue d’un Prince et l’aspect
d’un enfant. En plus, il avait l’air détaché et pourtant il
risquait gros. Aucune de ces hormones ne s’en étaient émues. Elle
flairait un piège. C’était, à l’évidence, un imposteur !
Peut-être ne saurait-il pas répondre à la question deux ? Elle
se hasarda.
– Je
vais te poser la deuxième question, comme tu as bien répondu à la
première, tu connais sûrement la seconde ? ajouta-t-elle, dans
un sourire perfide mais jaune. Que l’on fasse le silence !
commanda-t-elle. De quoi est constitué l’Univers ?
Le
bout de ses doigts touchait toujours les pierres, soudain il entendit
la réponse « Rappelle-toi ce que je t’ai dit, les
messages... » Il
ravala sa salive, pendant qu’elle se rengorgeait, pensant avoir
posé une question impossible.
– Tous
les messages forment l’Univers !
Un
tonnerre de bruissements et de claquements lui répondit. Les sirènes
battaient de la queue sur le sol. La Reine était devenue blanche
teintée de bleu. Son rire jaune pâle ne disait rien de bon. Elle
se demandait bien comment elle allait faire. Trouver un alibi pour le
tuer…mais lequel ? Ses sirènes appréciaient cet enfant
maudit !
Le Prince, lui, avait un problème : si elle posait encore une question, il devrait répondre et ce serait la condamnation aux épousailles, s’il répondait à côté, ce ne serait pas mieux. Il était coincé. S’il ne répondait pas, elle le tuerait certainement. L’horizon semblait s’être complètement bouché. Il ne fallait pas qu’elle puisse faire quoi que ce soit. Mais que faire ? Il lui semblait qu’il n’avait aucune solution dans ses poches, les étoiles n’avaient pas prévu cette situation extrême !
Subitement,
Méhério prétexta une fatigue. Cela se voyait. Elle ordonna qu’on
l’enferme dans une petite grotte. Plus tard, elle poserait la
question ultime.
Sur
le moment, pendant que les sirènes l’emmenaient en riant, il se
sentit très soulagé. Il venait de gagner du temps, mais il ne
savait pas pourquoi.
Une fois seul dans le petit espace où il avait été enfermé, il se sentit fatigué, déboussolé. Prenant sa pierre jaune dans sa main il s’endormit roulé dans son manteau. Lorsqu’il se réveilla, il ne sut pas combien de temps il avait dormi. Mais ce qu’il savait, c’était qu’il n’y avait plus un moment à perdre. Disposant ses cailloux et ses pierres devant lui, il les examina : la solution était peut-être là. Il les posa une à une devant lui : la bleu turquoise transforme, la pierre indigo permet de savoir ce que l’on nous cache. Il la saisit et la visualisant entre lui et la Reine des Sirènes, prononça intérieurement le nom de Méhério.
Dans un flash, il vit une scène horrible, la Reine avait ordonné son exécution : il allait périr mangé par un triton royal de la grotte ! Elle disait : « Ces pauvres petits ont si faim ! Ta chair doit être excellente. » Une grande planche à découper était déjà prête, avec une sorte de tranchoir, comme dans le pays de Chine où les produits de la mer doivent être consommés très frais. Les tritons aussi mangeaient des produits de la mer découpés vivants. Elle donnait des ordres : il serait découpé vivant par morceaux, les plus petits d’abord, les doigts des pieds et des mains, les oreilles, ainsi, avant de mourir, il verrait les tritons le manger peu à peu.
Il rangea le caillou bleu foncé, effrayé, ne voulant surtout pas savoir la suite. Il fallait s’échapper à tout prix. La pierre jaune, il connaissait bien son maniement, elle ne pouvait rien régler. La verte, non plus… Il sortit la bleu turquoise, celle qui transforme tout et change même les couleurs. S’il changeait la couleur de la Reine en rouge ? Elle serait sûrement évincée de la planète ? On le prendrait lui, comme Prince des sirènes et on lui ferait une belle queue de poisson. Il frémit. Cela ne résoudrait pas son problème. Il rangea celle-ci aussi et sortit la dernière : la violette ! Il allait pouvoir sortir sans être vu, sans qu’elles le sentent dès qu’elles ouvriraient la grille ! Il roula son manteau dans un coin, lui donnant forme humaine. Puis il prit sa gourde et sa besace. Si on ne le voyait plus du tout, elles n’ouvriraient même pas la grille ! Il y avait une formule magique. Laquelle déjà ? Ah oui :
« Invisiblius violetus. »
Rien ne se passa. Inquiet, il se demanda si Diféra n’avait pas programmé la pierre pour une seule fois… Elle en était bien capable ! Il essaya à nouveau en changeant des lettres de place :
« Invisibilius violetus. »
Rien ne bougea. Il trembla de peur. L’adrénaline montait. Il fallait recommencer, encore et encore :
« Invisilibus violetus. »
Un voile de brume l’enveloppa. Il disparut.
Lorsque les sirènes arrivèrent, stupéfaites, elles entrèrent pour vérifier ce qui ressemblait vraiment à un manteau roulé. Pendant ce temps là, il s’enfuit et parvint à rejoindre l’air libre. Derrière lui, cela piaillait et vociférait.
Invisible, il en profita pour mettre une grande distance entre la grotte et lui, la pierre violette avait aussi le pouvoir de faire voler !
Il
faudrait désormais redoubler de vigilance. Mais d’abord, comment
pouvait-il reprendre son apparence ? La dernière fois c’était
la machine de Richard qui avait fait l’inversion. Mais là ?
Et puis, étant transparent, il ne pouvait utiliser ses pierres.
Comment se sortir de ce guêpier ? « Écoute ton cœur »
avait dit l’Étoile du Chemin Brillant. Son cœur ne lui disait
rien. Pourtant il s’appliquait. Il décida de profiter de sa
capacité à voler pour tourbillonner comme il avait vu les étoiles
le faire. Il lui fallait chercher une solution et tout essayer. Il
tourna, tourna, le tournis le prit. Il vit trente-six chandelles et
une étoile. Une toute petite étoile bleutée. Elle dirigea un rayon
vers lui. Le mouvement de folie s’arrêta.
– Bonjour
étoile, te revoilà ? Je rêve ou quoi ? Tu m’as
arrêté ?
– Non,
tu ne rêves pas, je t’ai même rendu ton apparence, et voici aussi
une nouvelle sorte de manteau puisque tu as perdu le tien.
– Que
de sollicitude ! Merci, mais pourquoi fais-tu cela ? La
dernière fois, je t’ai plantée là ! Je suis sincèrement
désolé.
– Et
bien ! Il en faut des efforts pour t’arracher un vrai
sentiment ! Heureusement que mes sœurs t’ont appris à parler
à ton cœur, à me parler.
– Tu
veux dire…
– Oui,
je suis ton étoile !
– Tu
pourrais me protéger mieux que ça !
– Mais
c’est toi qui fais n’importe quoi ! On ne protège pas
quelqu’un contre lui-même. Cela s’appelle l’expérience.
– Tu
vas me donner les pierres qui me manquent, dis ? Tu peux au
moins faire cela ?
– Je
n’ai pas ce pouvoir, il te faut les gagner. Je t’ai donné une
cape...
– Mais
je m’en moque de ta cape, ce que je veux, ce sont les pierres !
– Elle
est un peu spéciale, continua l’étoile comme si elle n’avait
pas entendu… Tu ne veux pas l’essayer ?
– Mais
non ! Ah ! Décidément, tu es insupportable ! Je veux
retrouver mes parents, c’est tout ! Si tu ne fais rien pour
moi, va te faire voir !
– Méfie-toi,
ce genre de comportement va engendrer les difficultés, tu te mets
dans de mauvaises dispositions, cela n’attire que les ennuis !
– Parle
toujours, tu m’intéresses !
L’enfant
balança le vêtement dans une flaque et s’éloigna.
La petite étoile bleue le regardait s’éloigner. Elle pensa : « Mauvais caractère, tu vas pouvoir grandir maintenant ! » Elle pointa son rayon bleu dans son dos. Puis murmura : « Il fait froid, enroule-toi dans la cape. »
Le Prince frissonna. Subitement il se retourna, revint sur ses pas et sortit la cape de l’eau. Il la secoua et surpris, s’aperçut qu’elle ne prenait pas l’eau. Une cape hydrophobe ! Ça alors ! Non seulement elle était sèche, mais le fait de l’avoir secouée l’avait rendue raide et transparente comme une plaque de verre. Quel drôle de manteau ! Il passa la main pour voir la texture, celui-ci reprit sa forme originelle. Au passage, il remarqua l’empreinte de l’étoile côté cœur. L’étoile avait sûrement une idée en lui faisant ce cadeau. Du fond de lui-même, il la remercia et s’enroula dedans. « Ah ! Quand même ! » Crut-il entendre.
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